dimanche 21 février 2010

Barbara, fille du désert (1926)

The Winning of Barbara Booth (Henry King)

Jefferson Worth rêve d'irriguer le désert pour transformer ces terres déshéritées en paradis. Une femme qui vient d'enterrer son mari affronte une terrible tempête de sable. Jefferson la retrouve morte, sa petite fille Barbara près d'elle, et décide d'élever l'enfant comme sa fille.

15 ans plus tard, Jefferson Worth est devenu propriétaire d'un ranch et veut toujours irriguer ses terrains. Barbara est aimée par Abe Lee, le contremaître de son père. Pour construire un barrage sur le Colorado, Worth obtient le financement d'un entrepreneur de New York, Greenfield. Celui-ci arrive avec son fils adoptif William Holmes, un ingénieur. Holmes tombe aussi amoureux de Barbara après lui avoir porté secours lors d'un accident de cheval. Le barrage est construit, et une ville nouvelle, Kingston, se développe bientôt.

Mais Greenfield cherche le profit immédiat et a triché sur la qualité des matériaux pour le barrage, qui risque de céder et d'engloutir Kingston. Il renvoie les ouvriers qui voulaient alerter du danger. Mais Worth découvre la vérité. Il crée une nouvelle ville sur les hauteurs, Barba, et essaye de finir le barrage lui-même, mais il est à court d'argent pour payer ses hommes. La population, excitée par les hommes de Greenfield, se dresse contre Worth et menace de le lyncher. Les deux ingénieurs rivaux décident de faire taire leur rivalité et d'unir leurs forces pour sauver le projet.

Holmes obtient l'appui d'un autre financier qui avance l'argent de la paie. Abe est chargé de la ramener à Barba, mais Holmes l'accompagne. La bande de Little Rosebud, soudoyée par Greenfield, attaque les deux hommes et blesse Abe. Mais Holmes parvient à ramener l'argent et à sauver la vie de Abe, dont il croit que Barbara est amoureuse. Le barrage cède et la crue du Colorado engloutit la ville de Kingston. Mais les ouvriers, à nouveau soudés autour de Worth et Holmes, repartent à l'ouvrage pour réparer les dégats.

Barbara, qui considérait Abe comme son frère, épouse Holmes. Dans les années qui suivent le rêve de Worth se réalise et le désert se couvre de plantations.

"The Winning of Barbara Worth" est un des grands westerns épiques des années 20, avec de spectaculaires effets spéciaux pour la scène de l'inondation, avec les images des habitants fuyant les flots. Gary Cooper trouve un de ses tous premiers rôles importants, même si l'héroïne, étrangement, lui préfère Ronald Colman (en tout expliquant qu'elle considère le personnage de Cooper comme son frère !).

Les Bateliers de la Volga (1926)


The Volga Boatman, réalisé par Cecil B. DeMille.
En Russie, sur les bords de la Volga, des haleurs tirent les bateaux : c'est un travail épuisant, qui marque les corps. Peu avant la Révolution, la princesse Vera est promise en mariage au prince Dimitri, mais elle se sent attirée par le chant de ces bateliers, et plus particulièrement par le beau Feodor. Lors de la Révolution, Feodor est le leader des paysans qui attaquent le château du père de Vera, le prince Nikita. Les insurgés humilient le prince, mais un serviteur tire un coup de feu et tue Vasili, le lieutenant de Feodor.

En représailles, Feodor ordonne l'exécution soit de Vera, soit de son père. Vera s'offre courageusement au sacrifice, mais Feodor qui est tombé amoureux d'elle et admire son courage ne peut pas se résoudre à la tuer. Il simule son exécution, mais la ruse est découverte par la jalouse Mariusha. Feodor doit s'enfuir en troïka avec Vera. Ils se réfugient dans une auberge en territoire bolchévik, et se font passer pour de jeunes mariés.

Quand l'Armée Blanche contre-attaque, Vera et Feodor sont faits prisonniers. Vera prise pour la femme d'un chef Rouge est déshabillée et sur le point d'être violée par les soldats mais elle est sauvée par Dimitri. Feodor est condamné à être fusillé pendant les fêtes au palais de Iaroslav, mais Vera se précipite sur lui devant le peloton d'exécution. Alors que Dimitri hésite à commander le feu, les bateliers de la Volga donnent le signal de l'attaque des Rouges, qui s'emparent rapidement du palais.

Les aristocrates, hommes et femmes, sont condamnés à tirer le bateau des vainqueurs, et Feodor se place volontairement aux côtés de Vera. Plus tard, devant le tribunal, en remerciement des services qu'il a rendus à la cause, il obtient la grâce de Vera et Dimitri. Dimitri choisit l'exil, tandis que Vera choisit la nouvelle Russie auprès de Feodor.

Inspiré par un roman de Konrad Bercovici, "les Bateliers de la Volga" permet à DeMille de donner libre cours à son goût pour l'épopée. William Boyd est charismatique dans le rôle qui a lancé sa carrière et présente déjà l'idéalisme qui caractérisera Hopalong Cassidy. Et l'alchimie fonctionne très bien avec Elinor Fair, sa future épouse.

DeMille prend un malin plaisir à humilier ses héroïnes : Vera (Elinor Fair) est mise à nu par les soldats de son propre camp (bien entendu on ne voit rien, mais le regard des hommes est sans équivoque), et plus tard la bolchévik Mariusha (Julia Faye) subit le même sort après avoir été prise pour une aristocrate.

dimanche 14 février 2010

Metropolis (1927)

Un événement considérable a eu lieu vendredi soir à Berlin, retransmis en direct sur Arte : la première projection publique depuis 82 ans de la version presque complète de Metropolis ! Le chef d'œuvre de Fritz Lang était connu jusque là par la version exploitée aux Etats-Unis par Paramount, qui avait subi des coupures sévères pour être "adaptée" aux goûts américains.

Sous cette forme mutilée il était déjà reconnu comme un des grands chefs d'œuvre du cinéma, et unanimement considéré comme un des 3 ou 4 meilleurs films de la période muette. On y voyait en particulier un des grands inspirateurs du cinéma de science-fiction, de "La Fiancée de Frankenstein" à "La Guerre des Etoiles". Les villes du futur au cinéma ressemblent très souvent à Metropolis avec ses rues-canyons entre les gratte-ciel, parcourues par des véhicules terrestres ou aériens. Mais les personnages manquaient de consistance, l'enchaînement des événements n'était pas toujours très clair.

Les 25 minutes inédites découvertes dans la version conservée à Buenos-Aires et diffusée vendredi soir changent complètement la vision qu'on peut avoir du film. Le cheminement de Freder, sa découverte progressive du monde "d'en bas", sa prise de conscience, et en même temps l'évolution de son amour pour Maria, apparaissent dans toute leur cohérence.

Des personnages sacrifiés voire complètement inexistants dans la version connue à ce jour apparaissent et jouent un rôle important : Josaphat, le secrétaire de Joh Fredersen, licencié par lui, et qui aide Freder à pénétrer dans la cité ouvrière; Georgy, alias n° 11811, l'ouvrier qui échange ses vêtements avec Freder, et qu'on voit prendre le taxi et aller au quartier des plaisirs de Yoshiwara; et surtout "l'homme mince", inquiétant personnage d'espion-homme de main que Joh charge de surveiller son fils.

Bien sûr, la rivalité amoureuse de Joh et Rottwang est ici complètement explicite (dans la version de 2001, elle était juste expliqué par des cartons et des photos). Ils aimaient tous deux Hel, qui est partie avec Joh et est morte en donnant naissance à Freder. Rottwang vit obsédé par son souvenir, et c'est pour la retrouver qu'il crée à l'origine un robot féminin, avant que cette création soit détournée par Joh.

La séquence de l'inondation et du sauvetage des enfants est beaucoup plus complète et beaucoup plus spectaculaire. Et la scène de la poursuite de Maria par la foule est cette fois compréhensible : la foule s'attaque d'abord à la vraie Maria, qu'ils croient responsable du drame, et c'est en croisant la fausse Maria, elle-même dans un cortège constitué de ses admirateurs, qu'ils changent de cible sans s'en rendre compte, et qu'ils brûlent finalement le robot.

La seule scène qui reste manquante (car trop abîmée dans la copie de Buenos Aires) c'est l'affrontement entre Joh et Rottwang, où Joh comprend que Rottwang l'a joué et utilise son robot contre lui.

Mais cette soirée aura permis la redécouverte et la réévaluation d'un film que tout le monde croyait connaître. Fritz Lang disait qu'il ne pouvait pas parler de Metropolis parce que ce film n'existait plus. Depuis le 12 février 2010, il existe à nouveau !

jeudi 11 février 2010

Les Aventures de Robert Macaire (1925)

Dans les années 20 le cinéma français raffolait des mélodrames à épisodes, réalisés notamment par Henri Fescourt et Luitz-Morat (Mandrin, le Juif errant, Surcouf, Monte-Cristo, etc.). Jean Epstein, cinéaste « d'avant-garde », et donc a priori à l'opposé de ce genre de production populaire, s'y est cependant essayé avec succès dans "les Aventures de Robert Macaire", inspiré du personnage de bandit romantique qui a eu un énorme succès au XIXème siècle.

C'est une longue épopée en 5 épisodes, pleine d'humour et avec une interprétation brillante (Jean Angelo en Robert Macaire et Alex Allin en Bertrand), et qui permet également d'admirer de beaux paysages du Dauphiné.

En 1825, Robert Macaire et son acolyte Bertrand, déguenillés et affamés, sont fort mal accueillis par une fermière qui avait pourtant juré à Saint-Antoine d'aider les pauvres. Revenant un peu plus tard avec de beaux habits dérobés dans un château, ils sont cette fois très bien accueillis, et Robert sauve une jeune fille tombée de cheval : c'est Louise, la fille du marquis de Servèze.

La nuit, l'orage gronde, Robert, déguisé en Saint-Antoine, s'empare des économies de la ferme. Louise invite son sauveur chez son père, et se laisse courtiser par lui. Mais lors d'un bal donné en son honneur, les gendarmes viennent prévenir le marquis que son invité est le fameux bandit Robert Macaire. Louise amoureuse de Robert parvient à favoriser sa fuite, et le retrouve le soir pour des rendez-vous secrets. Mais Robert et Bertrand finissent par être arrêtés et emmenés en prison.

On les retrouve 17 ans plus tard, libres mais en haillons. Après une première peine de prison, ils ont été condamnés à nouveau pour une escroquerie sur M. de la Ferté, dénoncés par leur complice Cassignol. Louise est morte, et Robert va se recueillir sur sa tombe. Il a la surprise d'y voir une jeune fille qui ressemble étrangement à Louise : c'est Jeanne, née des amours de Louise avec le bandit. Elle aime un jeune homme pauvre qui n'est autre que Henri, le fils de M. de la Ferté.

Robert décide de se racheter en aidant les jeunes gens. Ils retrouvent Cassignol, et réussissent à lui faire rendre l'argent volé à la Ferté. Robert offre cet argent en dot à Jeanne, ce qui lui permet d'épouser Henri. Jeanne comprend que Robert est son père, mais il disparaît sur la route avec Bertrand : tous deux ont juré d'être désormais honnêtes.

samedi 6 février 2010

L'Amour de Jeanne Ney (1927)


(Die Liebe der Jeanne Ney - G-W. Pabst)

Jeanne Ney est la fille d'un diplomate français en Crimée, où l'Armée Blanche continue à résister à l'avancée des Rouges. Elle a un petit ami russe, Andreas, qui est sans qu'elle le sache un agent bolchévik. Le père de Jeanne reçoit d'un certain Khalibiev une liste d'activistes, Andreas essaie de la lui reprendre, et dans l'affrontement le tue d'un coup de revolver. Jeanne ne semble pas lui en vouloir outre mesure, mais elle rentre à Paris auprès de son oncle Raymond, directeur d'une agence de détectives privés. D'abord réticent, Raymond engage Jeanne comme secrétaire sur l'insistance de sa fille Gabrielle, aveugle et solitaire.

Andreas est envoyé en mission en France pour propager la révolution communiste, et les amants se retrouvent. Khalibiev, traître et libertin sans scrupule, se trouve lui aussi à Paris "pour affaires". Attiré par Jeanne depuis l'époque de la Crimée, il s'introduit chez son oncle et séduit Gabrielle. Il n'en veut qu'à son argent et a prévu de se débarrasser d'elle rapidement. Mais une fille de bar à qui il s'est vanté de ses projets le dénonce et fait échouer ses projets de mariage. Pendant ce temps, l'agence de Raymond Ney a réussi à retrouver un diamant disparu (dans l'estomac d'un perroquet !), et doit toucher 50000 $ de récompense.

Mais l'oncle Raymond est un triste sire, avare et libidineux, qui cherche lui aussi à abuser de Jeanne et, devant sa résistance, la renvoie. Dans la nuit, Khalibiev vient étrangler Raymond et voler le diamant, en laissant près du corps une lettre et une photo pour faire accuser Andreas. Gabrielle a été témoin de la scène mais est incapable d'identifier l'agresseur. Pendant ce temps, Jeanne passe la nuit avec Andreas qui doit partir le lendemain pour Toulon, porteur d'une forte somme d'argent pour les ouvriers de l'arsenal. Ils croisent Khalibiev qui est dans le même hôtel. Le matin, ils prient ensemble dans une église, avant qu'Andreas parte prendre le train.

Andreas est arrêté dans le train et accusé du meurtre, à cause des documents laissés par Khalibiev et de l'argent qu'il avait sur lui. Jeanne veut demander à Khalibiev de témoigner qu'il les a vus à l'heure du crime, mais il s'enfuit. Jeanne le rattrape dans le train. Elle le supplie de l'aider, il fait semblant d'accepter, espérant assouvir ses désirs. Mais c'est alors que Jeanne comprend la vérité. Elle tire le signal d'alarme, appelle au secours. Il tente de la bâillonner avec son mouchoir, duquel tombe le diamant…

"L'Amour de Jeanne Ney" se situe dans l'œuvre de Pabst entre "La Rue sans Joie" et "Loulou". Tiré d'une histoire d'Ilya Ehrenburg, il commence comme un document social impressionniste, et se continue comme un policier qui fait penser à certains films d'Hitchcock (les jeunes gens innocents soupçonnés à tort).




Pabst utilise une grande diversité de styles cinématographiques : principalement le style des films d'aventures hollywoodiens, mais aussi par moments les techniques de montage rapide des Soviétiques, ou les mouvements de caméras et les perspectives expressionnistes.

La Française Edith Jehanne est une charmante Jeanne Ney. Brigitte Helm a un rôle émouvant, très loin des vamps pour lesquels on se souvient d'elle aujourd'hui. Et Fritz Rasp dans le rôle du méchant a le physique de l'emploi (c'est lui qui abuse de Louise Brooks dans Journal d'une fille perdue)