dimanche 14 février 2010

Metropolis (1927)

Un événement considérable a eu lieu vendredi soir à Berlin, retransmis en direct sur Arte : la première projection publique depuis 82 ans de la version presque complète de Metropolis ! Le chef d'œuvre de Fritz Lang était connu jusque là par la version exploitée aux Etats-Unis par Paramount, qui avait subi des coupures sévères pour être "adaptée" aux goûts américains.

Sous cette forme mutilée il était déjà reconnu comme un des grands chefs d'œuvre du cinéma, et unanimement considéré comme un des 3 ou 4 meilleurs films de la période muette. On y voyait en particulier un des grands inspirateurs du cinéma de science-fiction, de "La Fiancée de Frankenstein" à "La Guerre des Etoiles". Les villes du futur au cinéma ressemblent très souvent à Metropolis avec ses rues-canyons entre les gratte-ciel, parcourues par des véhicules terrestres ou aériens. Mais les personnages manquaient de consistance, l'enchaînement des événements n'était pas toujours très clair.

Les 25 minutes inédites découvertes dans la version conservée à Buenos-Aires et diffusée vendredi soir changent complètement la vision qu'on peut avoir du film. Le cheminement de Freder, sa découverte progressive du monde "d'en bas", sa prise de conscience, et en même temps l'évolution de son amour pour Maria, apparaissent dans toute leur cohérence.

Des personnages sacrifiés voire complètement inexistants dans la version connue à ce jour apparaissent et jouent un rôle important : Josaphat, le secrétaire de Joh Fredersen, licencié par lui, et qui aide Freder à pénétrer dans la cité ouvrière; Georgy, alias n° 11811, l'ouvrier qui échange ses vêtements avec Freder, et qu'on voit prendre le taxi et aller au quartier des plaisirs de Yoshiwara; et surtout "l'homme mince", inquiétant personnage d'espion-homme de main que Joh charge de surveiller son fils.

Bien sûr, la rivalité amoureuse de Joh et Rottwang est ici complètement explicite (dans la version de 2001, elle était juste expliqué par des cartons et des photos). Ils aimaient tous deux Hel, qui est partie avec Joh et est morte en donnant naissance à Freder. Rottwang vit obsédé par son souvenir, et c'est pour la retrouver qu'il crée à l'origine un robot féminin, avant que cette création soit détournée par Joh.

La séquence de l'inondation et du sauvetage des enfants est beaucoup plus complète et beaucoup plus spectaculaire. Et la scène de la poursuite de Maria par la foule est cette fois compréhensible : la foule s'attaque d'abord à la vraie Maria, qu'ils croient responsable du drame, et c'est en croisant la fausse Maria, elle-même dans un cortège constitué de ses admirateurs, qu'ils changent de cible sans s'en rendre compte, et qu'ils brûlent finalement le robot.

La seule scène qui reste manquante (car trop abîmée dans la copie de Buenos Aires) c'est l'affrontement entre Joh et Rottwang, où Joh comprend que Rottwang l'a joué et utilise son robot contre lui.

Mais cette soirée aura permis la redécouverte et la réévaluation d'un film que tout le monde croyait connaître. Fritz Lang disait qu'il ne pouvait pas parler de Metropolis parce que ce film n'existait plus. Depuis le 12 février 2010, il existe à nouveau !

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