lundi 25 janvier 2010

Gosses de Tokyo (1932)

"Gosses de Tokyo" est un des premiers films du grand Yasujiro Ozu, et il nous présente une tranche de vie familiale attachante, dans le Japon des années 30.
Un camion s'embourbe dans un terrain vague de la banlieue de Tokyo. Il est chargé des meubles d'une famille en train de déménager, et on remarque la niche du chien.
La famille parvient à s'installer après cette arrivée difficile : le père, petit employé dont on apprend qu'il a choisi ce quartier pour devenir le voisin de son patron, la mère qui ne travaille pas, et deux garçons d'une dizaine d'années.
Tous deux ont d'abord des relations difficiles avec les gamins du quartier, dominés par un caïd qui les dépasse d'une tête. Ils sont tellement effrayés par leur nouvel environnement que le premier jour d'école, il font l'école buissonnière, pique-niquent dans un champ et l'aîné fait même un exercice de calligraphie avec fausse appréciation du maître.
Mais ils trouvent la solution en s'alliant avec le garçon de courses, adolescent qui accepte de corriger le caïd. Nos deux héros s'imposent alors comme les leaders du groupe, et participent activement à la collecte des œufs de moineaux, supposés donner la force et l'autorité. Un des membres de la bande est le fils du patron de leur père, garçon médiocre qu'ils dominent aisément.

Un jour, ils accompagnent leur père qui rend visite à son patron, et celui-ci fait projeter des films tournés par un de ses employés. Dans le premier, on voit le patron faire des amabilités à deux geishas… devant le regard courroucé de son épouse, il fait vite passer à un autre film. Dans celui-ci, les deux garçons voient leur père s'abaisser et faire des pitreries, et comprennent qu'il est prêt à toutes les bassesses pour obtenir de l'avancement.


Ils s'enfuient révoltés par ce qu'ils ont vu, et surtout prennent conscience que la hiérarchie repose sur la position sociale et la richesse et non sur les capacités. Ils refusent l'idée qu'un jour ils seront peut-être les employés du fils du patron, cette chiffe molle qui se couche par terre sur un signe de leur part. Ils décident de ne plus manger et de ne plus aller à l'école.



Mais cette révolte ne dure pas. Le lendemain matin, les enfants acceptent de partager avec leur père les boulettes de riz préparés par leur mère.


Ils décident d'accepter que leur père n'est pas un grand homme comme ils l'avaient cru, et au passage perdent une partie de leur innocence. Mais ils vont se battre pour avoir une vie moins médiocre que leur parents.


"Gosses de Tokyo" annonce les thèmes que Ozu développera ultérieurement : la subtilité des relations familiales, l'approche progressive de la vie. C'est un film charmant sur l'enfance, avec une étude pleine de justesse de l'évolution des relations à l'intérieur d'une bande de jeunes garçons, mais aussi une satire sociale et une réflexion sur la maturité et la perte des illusions.

C'est aussi un témoignage passionnant sur le Japon des années 30, marqué par l'industrialisation et la militarisation. La discipline à l'école est toute militaire (même si l'instituteur se montre somme toute plutôt débonnaire et compréhensif) et le rêve des deux garçons est de faire carrière dans l'armée !

Mais la misère et la faim sont encore bien présentes, et la symbolique de la nourriture est omniprésente dans le film, avec la recherche des œufs de moineaux (qui se révèlent plutôt indigestes, y compris pour le chien !), le casse-croute emmené par les garçons, et surtout elle est au centre de l'explication finale entre le père et les fils. On doit s'abaisser devant ses patrons "pour pouvoir manger", ce à quoi les enfants répliquent par une grève de la faim, avant de se réconcilier avec leur père autour des boulettes de riz du petit déjeuner.

A la fin du film, les enfants ont accepté le fonctionnement des relations sociales : ce sont eux qui rappellent à leur père qu'il doit saluer son patron qui passe. Le patron répond avec bienveillance et lui propose de profiter de sa voiture, tandis que les garçons partent pour l'école.

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