lundi 25 janvier 2010

Les Trois Ages (1923)

Fin 1923, Buster Keaton réalise ce qui est à la fois son premier long métrage et son premier film vraiment personnel, "Les Trois Ages". Et il n'hésite pas à se lancer dans une parodie burlesque d'"Intolérance", en racontant la même histoire trois fois, à trois époques différentes. Le thème est bien sûr plus léger : un jeune homme doux et rêveur veut conquérir une jeune fille (Margaret Leahy) et doit lutter contre un rival plus costaud, interprété par Wallace Beery et qui ne s'embarrasse pas de scrupules pour arriver à ses fins.

La trame est toujours la même : présentation des personnages (le triangle amoureux, et les parents de la jeune fille, qui ont tendance à préférer Beery), tentative maladroite de susciter la jalousie, compétition sportive, ingéniosité de Keaton et manœuvres déloyales de Beery, mariage avec Beery déjoué au dernier moment et happy end. Mais les épisodes successifs ne sont pas une simple redite, ils apportent à chaque fois des éléments nouveaux qui font avancer le récit.

L'époque la plus pittoresque, celle à laquelle on pense spontanément en évoquant ce film, c'est l'époque préhistorique, avec son monde de pierres, ses personnages vêtus de peaux de bêtes et voisinant avec des mammouths et des dinosaures sortis de chez Winsor McCay. A cette époque, les rivalités se règlent à coups de massue, et les femmes sont heureuses d'être traînées par les cheveux par leur homme.
L'époque romaine est plus raffinée, on y vit mollement étendu sur des banquettes ou des palanquins, mais on se bat à coup de glaive et on s'affronte dans les jeux du cirque. Les rivaux disputent une course de char, mais Rome étant sous la neige (!), Buster remplace son char par un traîneau à chiens plus adapté. Plus tard, confronté à un lion, il le calme en jouant les manucures.

A l'époque moderne, on exhibe son compte bancaire, on se bat sur un terrain de football, et le méchant élimine son rival en lui fourrant de l'alcool de contrebande dans la poche. Poursuivi par les policiers, Buster réalise une des cascades les plus spectaculaires de sa carrière : sautant d'un toit à l'autre, il rate son coup, se rattrape au bord de l'immeuble et dégringole d'étage en étage jusqu'en bas où il atterrit dans une voiture de pompier (apparemment il avait vraiment raté son coup, mais la prise a été gardée car encore meilleure que ce qui était prévu !). L'histoire se termine par l'enlèvement de la mariée à l'église, comme le fera l'année suivante Harold Lloyd dans "Girl Shy", et beaucoup plus tard Dustin Hoffman dans "le Lauréat".

Pour ce qui est de l'interprétation, Keaton est ici doté d'un "méchant" très réussi en la personne de Wallace Beery… et d'une jeune première charmante mais nulle. Margaret Leahy avait gagné dans un concours de beauté le droit de jouer dans un film avec Norma Talmadge. Les premiers essais s'étant révélés catastrophiques, Joe Schenck, le mari de Norma, également patron (et beau-frère) de Buster, la lui a imposée, pensant, sans doute à juste titre, qu'elle ferait moins de dégâts dans un film comique.

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